Interview : Humanisez l’e-mail marketing avec le storytelling
Sandrine Gaussein, directrice associée des Navigauteurs, agence éditoriale web
Le storytelling est un mot qui circule de plus en plus dans le monde de l’e-mail marketing mais dont la définition et la mise en application restent encore floues pour nombre d’entre nous. Cette technique narrative permettrait de développer des discours à fort potentiel de conviction et séduction. Sandrine Gaussein, directrice associée de l’agence éditoriale web Les Navigauteurs, éclaire pour nous la thématique et nous explique l’intérêt du storytelling en e-mail marketing.
.[EMM Actu] D’une manière générale, pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le storytelling et quels sont les bénéfices d’une telle stratégie appliquée à l’e-mail marketing ?
[Sandrine Gaussein] Le storytelling d’une manière générale, c’est le fait de raconter une histoire. Mais le storytelling appliqué aux entreprises, c’est la marque mise en histoire, une autre manière d’entrer dans l’univers de la marque.
Le storytelling permet d’intégrer de l’émotionnel dans les discours de marque, une approche qui va bien plus loin que les discours commerciaux. En effet, les consommateurs sont aujourd’hui de moins en moins sensibles aux purs discours publicitaires. Ils ont besoin qu’on leur parle de la marque d’une autre manière, en les faisant rire ou rêver par exemple. L’idée est donc d’ajouter de l’humain aux discours des entreprises et de démontrer qu’ils ne sont pas produits par et pour des machines..
Le bénéfice est concrètement de développer l’attachement des contacts à la marque via l’émotionnel. Pour cela, on va notamment créer des personnages qui ressemblent aux prospects et aux clients afin de favoriser leur projection..
Il y a ensuite deux approches principales du storytelling : soit la marque se raconte - ce qui permet de créer de la proximité - soit la communauté raconte la marque, avec par exemple un client qui détaille ses expériences avec la marque ou les anecdotes en rapport..Une stratégie de storytelling appliquée à l’e-mail marketing répond à des objectifs non négligeables parmi lesquels on retrouve : se différencier et se distinguer dans la boîte de réception, créer une attente plus forte auprès de son auditoire, augmenter les taux d’ouverture et de clic de ses campagnes e-mails grâce à des contenus attractifs ou encore améliorer la notoriété spontanée de l’entreprise..
L’e-mail marketing, surtout sous la forme de newsletter, instaure un rendez-vous régulier avec les contacts. Mais alors qu’il existe déjà une attente chez ces derniers, le storytelling intègre une dimension plus humaine à l’un des terrains du marketing relationnel.Comment intégrer de manière opérationnelle le storytelling à l’e-mail marketing ?
Il existe plusieurs niveaux d’intégration du storytelling à l’e-mail marketing :
- Le 1er niveau vise tout simplement à instaurer une continuité entre les différentes éditions de newsletters. Cela commence en faisant référence à des contenus présents dans les messages précédents, aux résultats d’un sondage, à un article, aux avis publiés suite à une annonce, etc. L’objectif est de créer et de montrer qu’au-delà de l’aspect graphique il existe un lien entre les différents messages e-mails.
- Le 2ème va plus loin et instaure un rendez-vous dans chaque nouveau message. On pense par exemple à une rubrique récurrente avec un billet d’humeur, une prise de parole de la marque ou la publication d’une expérience client chaque semaine
.- Le 3ème niveau est le plus complet et efficace. Un feuilleton constitué d’épisodes est alors mis en place. Le plus simple est de créer une histoire de toutes pièces sur la base de personnages fictifs. Le plus avancé et complexe reste le docu-fiction où l’on valorise des expériences réelles de clients sur la base d’un fil conducteur..
Quel que soit le niveau, il existe deux grandes orientations en storytelling : soit la marque prend la parole soit les clients racontent leurs expériences.Pour la première et afin que cela fonctionne, il est possible de jouer la carte des anecdotes, comme peut le faire MyLittleParis. On peut faire découvrir les coulisses de la marque en suivant un personnage de l’entreprise, le chargé de R&D produit par exemple, et s’amuser des problématiques qu’il peut rencontrer au quotidien. La marque prend ainsi la parole au travers de son équipe. Avec ce type de contenu, il est facile d’envisager la création d’une nouvelle rubrique récurrente dans sa lettre d’information.
La deuxième orientation vise à raconter l’expérience du client, soit de manière fictive en s’inspirant du réel soit au travers de personnages emblématiques issus de catégories de clients ou prospects. L’objectif reste le même, à savoir développer une histoire autour de la marque. Mais on peut aussi travailler autour d’un produit ou d’un service phare et choisir de créer l’histoire autour de ce seul aspect..
Pour l’invention des personnages, on a la possibilité de dégager plusieurs profils types de clients ou prospects en analysant la base de données marketing et son mode de segmentation. A partir de là, on peut encore une fois créer des personnages totalement fictifs ainsi que leur histoire, ou bien partir de personnages réels qui correspondent à un profil type dégagé et aller chercher leurs expériences et histoires dans le réel. Pour ce dernier aspect, les réseaux sociaux sont un canal de choix qui permet de solliciter en direct les clients..
Grâce au storytelling, le contact se transforme en lecteur, en spectateur. Mais on peut les impliquer davantage en l’invitant à participer et à devenir lui-même auteur. Cette démarche permet d’instaurer une relation plus forte encore avec l’entreprise et impulser le développement d’une vraie communauté. Le storytelling se veut alors plus documentaire encore en se basant sur le contenu créé par les clients eux-mêmes - appelé également « User Generated Content ».
Quels conseils pouvez-vous offrir à nos lecteurs pour intégrer le storytelling à l’e-mail marketing : accompagnement externe, marche à suivre, points de vigilance ?
Avant de se lancer dans le storytelling, l’entreprise doit se poser une question : « Avons-nous les ressources nécessaires en interne ? ». La créativité conceptuelle et graphique ainsi que les ressources littéraires sont essentielles au bon déroulement d’une telle stratégie. La qualité de l’écriture est primordiale car il faut savoir s’éloigner du discours commercial. Il faut également pouvoir tenir le rythme de publication sur lequel on s’est engagé. De même, avoir les textes et les idées, c’est bien, mais il faut savoir les mettre en forme. Enfin, ce n’est pas parce que l’on utilise du contenu généré par les utilisateurs que cela va alléger le travail, bien au contraire ! Il y a énormément d’efforts à fournir en amont et en aval de la collecte des témoignages. Il ne faut donc pas s’y lancer seul si on ne dispose pas de ces ressources.
Quant à l’accompagnement externe, les prestataires spécialisés en storytelling sont encore peu nombreux en France car il s’agit d’un marché récent. On trouve surtout des agences éditoriales spécialisées sur le Web. A l’heure actuelle, le storytelling est encore principalement mis en œuvre par de grandes marques ou des marques de luxe. Il est vrai que le storytelling, pour qu’il soit particulièrement efficace, s’insère dans une stratégie éditoriale plus globale et dans la stratégie de relation client de l’entreprise. On peut néanmoins commencer simplement - et pour un budget plus abordable - en travaillant conjointement le canal e-mail et les réseaux sociaux pour ainsi développer l’humanisation de la marque et l’interaction avec les contacts..
Il est difficile de donner des repères budgétaires fixes puisque cela dépend directement de l’entreprise et de ses ambitions. Ainsi, la réflexion et conception d’une stratégie de storytelling complète est un investissement de quelques milliers d’euros et il faut ajouter quelques centaines d’euros pour la production éditoriale. Bien entendu, ces budgets peuvent augmenter rapidement selon le rythme de publication souhaité mais restent parfaitement accessibles pour une entreprise qui souhaite réellement faire la différence..
Mais globalement, quand on se lance dans le storytelling, accompagné ou non, voici les grandes lignes de la marche à suivre :
- identifier des histoires propres au patrimoine de la marque (fondateur, success-story d’un produit, etc.)
- identifier le territoire de légitimité de la marque (le jeu de la séduction pour une marque de lingerie par exemple)
- réaliser un benchmark éditorial avec le positionnement des acteurs concurrents
- choisir l’angle de positionnement de la marque et ses ressorts (contenus utiles et informatifs, divertissement, rêve, etc.)
- réfléchir à la ligne éditoriale, au synopsis et aux personnages, en accord avec le département marketing.
- définir les modes de participation et de collaboration des clients. Comment toucher les contacts ? Dans le cadre d’un docu-fiction, comment s’adresser à eux pour recueillir leurs témoignages ?
- déterminer le mode d’animation et le rythme. Comment faire vivre le concept de manière pérenne ?
- créer une première série de messages pilotes, tester 3 à 4 messages et évaluer la réaction des contacts pour éventuellement améliorer la stratégie, le texte, le message ou les éléments qui freinent la pleine réussite du projet.
- suivre et réaliser un reporting régulier avec des préconisations d’ajustements..
L’investissement dans le storytelling n’est donc pas obligatoirement élevé et peut s’avérer un réel « plus » pour améliorer la relation client et prospect. Ainsi, le storytelling n’est pas seulement réservé aux grandes entreprises mais s’adresse aussi aux plus petites. En effet, le marketing relationnel et plus spécifiquement l’humanisation des contenus touchent aujourd’hui tous les secteurs et tous les types d’entreprises. Les efforts d’une entreprise pour ajouter de l’humain dans ses relations seront ainsi toujours salués..Vous avez des réactions ou une expérience à partager avec nous ?
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