La délivrabilité des e-mails : listes noires, filtrage et réputation
Listes noires, fonctionnement du filtrage des e-mails, réputation technique endommagée, adresses pièges… la délivrabilité est l’une des problématiques centrales en e-mail marketing mais dont les tenants et aboutissants sont souvent méconnus. Laura Atkins, co-fondateur du cabinet américain de conseil et éditeur de logiciel anti-spam Word to the Wise, répond avec pertinence aux questions du magazine en ligne Pratical Ecommerce que nombre d’entre vous se pose également.
Laura Atkins, Word to the Wise
Qu’est-ce qu’une liste noire ?
Une liste noire en e-mail marketing (appelée également « blacklist ») est une liste publique composée d’adresses IP qui sont connues pour envoyer des courriers indésirables ou qui ne respectent pas les bonnes pratiques de l’e-mail marketing. Une adresse IP est un numéro d’identification unique attribué à chaque ordinateur connecté à Internet. Il permet ainsi d’identifier la source émettrice d’un message e-mail...
Qui gère et entretient ces listes noires publiques ?
Un bon nombre des ces listes noires sont disponibles sur Internet. Un des acteurs principal et bien connu est Spamhaus qui gère plusieurs listes de ce type. Certaines proviennent de machines infectées par des virus par exemple, sont constituées d’adresses IP d’ordinateurs de particuliers qui ne devraient pas pouvoir envoyer des messages directement aux serveurs, sont rattachées à un spammeur reconnu ou encore reliées à des courriers indésirables ou à des e-mails qui ont été perçus comme indésirables par les internautes. Mais il existe aussi des listes noires privées contrôlées directement par les entreprises de filtrage des e-mails..
Un individu ou une entreprise doit-il avoir reçu des plaintes d’internautes pour être intégré à une de ces listes noires ?
La plupart du temps, aucune plainte n’est nécessaire. La plupart des sociétés spécialisées dans le filtrage de messages e-mails ont en parallèle une liste d’adresses e-mails qui ne peuvent pas se retrouver dans une liste de contacts, abonnés à une newsletter ou autre forme de communication par e-mail. Nous appelons ces adresses des « spam traps » ou des adresses pièges. Ainsi, tous ceux qui envoient sur ces adresses sont automatiquement catégorisés comme spammeurs.
Imaginons une entreprise qui se constitue une liste de contacts de manière légitime, avec demande de consentement à l’appui. Celle-ci communique sur cette liste un an après. L’abonné ne se souvient plus de l’autorisation donnée et signale ce message comme spam. L’entreprise sera-t-elle automatiquement ajoutée à une liste noire ?
Cela dépend. Spamhaus ne fonctionne normalement pas sur la base des plaintes des internautes mais privilégie leur fonctionnement interne avec des listes d’adresses pièges, comme nombre de sociétés de filtrage des e-mails. Mais par contre, les FAI utilisent les informations des utilisateurs de leur service pour déterminer si le message doit être filtré ou non. Ainsi, les signalements pour spam peuvent réellement affecter l’aboutissement des messages en boîte de réception
Quels sont les autres éléments pris en compte par les FAI pour filtrer les messages e-mails entrants ?
Tout d’abord, le bouton « Ceci est du spam » car l’utilisateur affirme par cette action qu’il n’a pas demandé à recevoir ce message et qu’il n’en veut pas. Mais d’autres points sont pris en considération par les FAI comme l’ouverture ou la non ouverture des e-mails, les clics dans les messages mais aussi l’activation des images ou les clics sur le bouton « ceci n’est pas du spam » dans la boite à spam. Les FAI s’intéressent surtout à ce que souhaitent leurs utilisateurs.
Mais alors pour les FAI, qu’est ce qu’un taux d’ouverture acceptable ?
Il faut se rappeler de certaines choses. Les taux d’ouverture observés par l’expéditeur et par le FAI sont différents. En effet, les ouvertures observées par l’expéditeur sont en réalité les e-mails dont les images ont été activées, et non pas le réel nombre de messages ouverts. Et malheureusement, les FAI ne publient pas les réels taux d’ouverture et ne donnent pas de détails sur leurs données ni sur la manière dont sont calculés ces éléments. Cela fait partie de leur secret qu’ils n’ont tout simplement pas à partager.
Quels sont les principaux FAI qui existent sur le marché ? Et publient-ils des informations ou guides sur les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour obtenir une bonne délivrabilité ?
Yahoo!, Gmail, Hotmail et MSN Live sont les plus grands fournisseurs de messageries gratuites. Yahoo! et Gmail géreraient à eux seuls entre 40 et 60% des listes d’adresses e-mails existantes. Ensuite, nombre de fournisseurs publient en effet sur des sites spécifiques, blogs ou via des livres blancs les normes à respecter, les bonnes pratiques à mettre en place ou encore les raisons de rejet d’un message.
Quelles sont les erreurs les plus fréquentes réalisées par les e-commerçants ?
Une pratique souvent réalisée, et pourtant négative, consiste à collecter des adresses e-mails sur plusieurs mois ou années dans l’objectif de mettre en place un programme par e-mail dans l’avenir. Une fois venu le moment d’initier cette campagne, les consentements recueillis sont dépassés. Les internautes n’ont pas reçu de messages depuis de longs mois et ne se souviennent plus de l’accord donné. La communication par e-mail n’est alors plus perçue comme légitime et cela pose un grand nombre de problème de délivrabilité. Les adresses e-mails changent de plus. Celles-ci peuvent entre temps avoir été recyclées et attribuées à de nouvelles personnes ou transformées en adresses pièges.
La bonne solution n’est pas forcement de jeter la liste de contacts mais au moins d’envoyer un e-mail de renouvellement du consentement avec un message du type « Vous avez été passé commande sur notre site Internet il y a moins de 12 mois. Nous souhaitons mettre en place un nouveau programme relationnel par e-mail et vous proposer des offres personnalisées. Quelques exemples ci-dessous des offres que vous pouvez obtenir. Voulez-vous vous inscrire à ce programme ? ». On peut ainsi les traiter comme de nouveaux abonnés et repartir sur de bonnes bases
Reprenons votre exemple. Un e-commerçant collecte des adresses e-mails et 18 mois plus tard envoie un e-mail promotionnel. Cela irrite nombre d’internautes et le webmarchand finit par rejoindre les listes de Spamhaus ou se trouve bloqué par Yahoo! ou Gmail. Quelles sont les solutions pour la société expéditrice ?
Cela dépend des circonstances. Mais le webmarchand peut toujours appeler Spamhauss et discuter avec le responsable de la liste noire pour lui expliquer la problématique, la méthode de collecte et le délai tardif d’envoi des communications. Au mieux, Spamhauss lui conseillera d’envoyer un message pour renouveler le consentement des abonnés et cela sera résolu ainsi. Mais pour Yahoo! et Gmail, il n’y a personne à contacter car le filtrage fonctionne sur des algorithmes informatiques. Les décisions sont prises en fonction des comportements des expéditeurs. On ne peut donc pas appeler pour dire qu’on s’est loupé sur cet envoi et qu’on a la volonté d’améliorer ses pratiques. Il faut donc attendre et recommencer doucement des envois en s’assurant en amont qu’on respecte bien les bonnes pratiques du secteur et les attentes des abonnés. Cela finit par rentrer alors dans l’ordre.
Qu’en est-il des achats de listes d’adresses e-mails ?
Cela génère beaucoup de questions mais généralement les FAI répondront qu’ils ne laisseront passés que les messages auxquels leurs utilisateurs ont adhéré. Ainsi, l’envoi de messages sur un fichier de contacts acheté ne fait pas partie des normes autorisées par les FAI. Et c’est pourquoi, bien souvent, les professionnels de l’e-mail marketing et fournisseurs de solutions d’envoi n’autorisent pas leurs clients à envoyer des messages sur ce type de listes.
Une autre difficulté provient du fait que l’achat de fichiers de contacts s’est souvent montré problématique par le passé. Des vendeurs malhonnêtes existent sur ce marché et constituent des listes non légitimes constituées d’adresses e-mails non opt-in, d’adresses pièges, de données qualificatives désuètes ou totalement erronées. Voilà pourquoi ces fichiers sont généralement refusés par les fournisseurs de solutions d’envoi e-mail et pourquoi je ne recommande pas cette pratique.
Avez-vous d’autres conseils visant l’efficacité des communications par e-mail ?
Oui, la chose la plus importante en délivrabilité est de se rappeler que c’est réellement un être humain qui va recevoir le message. On parle donc à un individu qui a ses propres désirs, ses centres d’intérêt, ses priorités, son budget, etc. Il faut donc s’assurer que le message va combler un besoin, une attente. La question n’est donc pas « Que va pouvoir me rapporter l’e-mail marketing ? » mais plutôt « Que puis-je apporter à mes contacts au travers mon programme e-mail ? ».
Cliquez ici pour retrouver l’intégralité de cette interview en anglais sur le site Practical Ecommerce (23/11/2011)